A travers une tribune publiée le 10 février, Lewis Mudge, directeur Afrique centrale de Human Rights watch (HRW) alerte sur les périls de la pratique du journalisme au Cameroun. Sa réaction intervient à la suite de l’assassinat de Martinez Zogo suivi par celui de Jean Jacques Ola Bebe en l’espace de deux semaines.
Les détails de la mort de Martinez Zogo sont épouvantables. Son corps, qui a été retrouvé à Soa, une banlieue de la capitale camerounaise, Yaoundé, le 22 janvier 2023, présentait des signes indiquant qu’il aurait subi de graves tortures, notamment des chocs électriques. Le gouvernement a publié une déclaration indiquant qu’il avait « subi d’importants sévices corporels ».
Lorsqu’un journaliste d’investigation est tué, a fortiori avec une telle violence, où que ce soit, la sonnette d’alarme doit être tirée. L’assassinat de Martinez Zogo a fait l’objet d’une condamnation générale, aussi bien au Cameroun qu’à l’international. Plusieurs responsables de haut rang des services de sécurité, notamment des membres de la Délégation générale à la recherche extérieure (DGRE), ont été arrêtés. Léopold Maxime Eko Eko, le dirigeant de la DGRE, se trouve ainsi en détention, mais n’a toujours pas eu accès à ses avocats. Le 6 février, les autorités ont arrêté une autre personnalité influente, l’homme d’affaires et propriétaire de médias Jean Pierre Amougou Belinga, qui aurait des liens avec des fonctionnaires hauts placés du régime.
Dans son émission de radio quotidienne, la très populaire « Embouteillage », Martinez Zogo discutait régulièrement d’affaires de corruption, accusant et nommant parfois des personnes très en vue, dont Jean Pierre Amougou Belinga. Dans les semaines précédant son assassinat, Zogo avait déclaré à l’antenne qu’il publierait un rapport désignant les personnes impliquées dans des détournements de fonds au sein d’institutions publiques. Human Rights Watch a vu ce qui semble être une copie du rapport que Zogo aurait transmis aux médias avant sa mort, et dans lequel il demande l’ouverture d’une enquête pour corruption sur Jean Pierre Amougou Belinga.
Des procès équitables et transparents de tous les individus arrêtés en relation avec le meurtre de Martinez Zogo doivent être garantis. Ces récentes arrestations démontrent que peut-être, sous le regard attentif du public, le gouvernement se montrera à la hauteur de ses responsabilités et cherchera véritablement à obtenir justice. Mais les progrès dans l’affaire Martinez Zogo surviennent dans un contexte de danger croissant pour les journalistes. Le 2 février, Jean Jacques Ola Bebe, prêtre orthodoxe et animateur radio, a été retrouvé mort à Yaoundé. Selon les médias, Jean Jacques Ola Bebe, qui avait réclamé justice pour Martinez Zogo, a déclaré à des collègues de Galaxy FM qu’il recevait régulièrement des menaces de mort qu’il soupçonnait provenir des autorités. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a exprimé sa profonde préoccupation après la découverte du corps de Jean Jacques Ola Bebe.
Rendre justice pour Martinez Zogo et Jean Jacques Ola Bebe adressera un message fort : ceux qui tuent des journalistes seront tenus responsables de leurs actes. Il est toutefois tout aussi important que le gouvernement protège activement les journalistes qui s’efforcent de dénoncer les abus. Le journalisme doit cesser d’être une profession à haut risque au Cameroun.
Lewis Mudge,