Me Michèle Ndoki a annoncé, le 5 juin 2022 sur l’antenne de Canal 2 international au cours de l’émission « L’arène », qu’elle sera condidate à la présidence nationale du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) à la prochaine convention de 2023.

Pour la vice- présidente nationale du mouvement des femmes de ce parti qui est revenue au Cameroun après un séjour de six mois en Côte d’Ivoire, les textes du parti prévoient un mandat de cinq ans renouvelable une fois pour le président national. Erratum! Selon les statuts du parti, relativement aux élections au sein de cette formation politique, l’article 28 du chapitre III lié aux élections par la convention postule : « Le président national, les vice-présidents, le secrétaire général et le trésorier national sont élus au début de chaque convention ordinaire ou, le cas échéant, extraordinaire pour un mandat de cinq ans renouvelable deux fois au scrutin de listes« .

Concernant les dispositions transitoires, diverses et finales desdits statuts, l’article 48 relatif à l’application de l’article 28 des présents statuts établit : « Les dispositions de l’article 28 des présents statuts, qui limitent à deux le nombre de renouvellements des mandats du président national, des vice-présidents, du secrétaire général et du trésorier national, ne s’appliquent pas au mandat exercé avant l’adoption de la modification des présents statuts par la convention d’avril 2018« .

Au sortir de cette émission, la curiosité majeure, au plan officiel, est le constat manifeste de la méconnaissance des statuts du parti par une femme politique qui plus est cadre du MRC. C’est, du moins, l’impression qu’elle y a laissée en filigrane. Mais à bien y regarder au plan officieux, et en faisant une analyse de contenu manifeste et latent du discours de Me Ndoki, il est possible qu’elle l’ait faite à dessein. Une femme politique de la trempe de Ndoki qui est, de surcroît, vice- présidente nationale du mouvement des femmes ne saurait monter au créneau pour afficher, sans vergogne, sa méconnaissance des statuts.

C’est curieux. Il y a, sans conteste, un non-dit dans son discours qu’il faut débusquer dans la Sémiotique de l’image, voire dans la Sémiotique du message de cette dernière. Si c’est une méprise, cela relève d’une gravité éloquente. Nous nous souvenons que durant cette émission, le Secrétaire National à la Communication du MRC, Joseph Emmanuel Ateba, a réagi, instantanément, sur la plateforme de l’émission l’arène sur la toile, en mentionnant les dispositions statutaires du parti liées à l’élection du président national, des vice-présidents, du Secrétaire général et du Trésorier national. Question de contrarier la position de Ndoki. et Rodrigue Tongue a, d’ailleurs, relayé son message ce soir-là.

En soutenant que « les textes du Mrc prévoient un mandat de cinq ans renouvelable une fois« , Michèle Ndoki, qui le fait à dessein, ouvre un front contre les cadres du directoire et des militants. Front qui lui sera, sans doute, défavorable vu les critiques acerbes qu’elle essuie depuis l’annonce de la déclaration de sa candidature à la présidence nationale du parti.

Force est de constater que la décision du boycott des élections législatives et municipales de 2020 par le MRC n’a guère rencontré l’assentiment de cette dernière, tout autant que celui de certains cadres du parti qui ont décidé de quitter le train de la renaissance. Célestin Djamen, ancien Secrétaire national en charge des droits de l’homme, Martin Ambang, ancien 4ème vice-président national, et Christian Fouelefack, ancien départemental du parti dans la Menoua en sont des exemples. Depuis cette période, Me Ndoki a décidé, manifestement, d’observer une distanciation avec le parti au point où elle est partie du pays pour aller séjourner au pays de Simone Gbagbo tant elle avait clamé qu’elle ne se sentait plus en sécurité ici. N’est-elle plus en danger aujourd’hui six mois après ? Il faut aussi s’interroger sur ce nouveau discours spontané non des moindres.

En réalité, en analysant, de manière froide, la posture de Michèle Ndoki, elle est, aujourd’hui, partagée entre l’envie de s’autonomiser et de s’auto-déterminer hors du parti et l’idée d’organiser une réactance, une résistance et une dissidence à l’intérieur du Mrc. Méthodiquement, cette femme politique s’y prend de manière brouillonne et tatillonne. Sa sortie publique, en mode communicationnelle sur une chaîne de télévision privée locale, est individuelle, voire individualiste. En effet, elle aurait dû construire, à la base, une sorte de « solidarité mécanique » au sens durkheimien avec des collatéraux à l’interne pour évoluer dans une dynamique collective de manière à communiquer, officiellement, sur ce nouveau courant de pensée, qui pose, fondamentalement, le débat sur l’alternance à la tête des formations politiques de l’opposition camerounaise.

En réalité, la départementale du Mrc de Douala 1er pose, dans l’espace public bien que ce soit de manière lapidaire et lacunaire, le débat sur le renouvellement du leadership dirigeant à la tête de la formation politique à laquelle elle appartient. Mais après l’avoir écoutée, elle évolue en solo. Une sorte d’outsider-challenger de Maurice Kamto en 2023. Ses anciens camarades de parti (Fabien Assigana, Frank Hubert Ateba, Martin Ambang, Denis Émilien Atangana, Célestin Djamen, Christian Fouelefack, etc) qu’elle appelle à rejoindre le navire de la renaissance en 2023 pour la prochaine convention sont, sans doute,en train de secouer la tête n’espérant jamais revenir connaissant leur position actuelle sur le Mrc. Ah quelle gageure!

Cette femme politique, dont la valeur intrinsèque est incontestable, a, davantage, misé sur le double scrutin législatif et municipal de 2020, mais en vain! Elle ne veut pas être mise sous le boisseau malgré le temps qui passe et malgré l’usure dudit temps. Autant Michèle Ndoki craint de faire un bond qualitatif pour émerger et s’auto-déterminer politiquement, autant elle a peur de trahir ceux et celles qui l’ont soutenue antérieurement.

Nul ne doute de la popularité de cette femme en robe noire, dont l’intelligence est remarquable et connue de tous. Elle qui avait été, d’ailleurs, nommée « la fiancée du peuple » par ses camarades militants et sympathisants. En s’inspirant de la théorie de la dissonance cognitive de Festinger, Psychologue, il s’avère que Michèle est, à l’heure actuelle, entre le marteau et l’enclume. Elle est entre le marteau de vouloir s’émanciper politiquement hors du parti et l’enclume de structurer une fronde, voire une mutinerie à l’interne. Histoire d’opérer une tentative d’éroder l’ordre gouvernant du Mrc. Visiblement, cette dame est en train de négocier, tactiquement et subrepticement, la voie de sortie du parti. Mais de quelle manière ?

Souvenons-nous, pour ceux et celles qui n’ont pas la mémoire courte, que Alain Fogue, trésorier national du Mrc, qui a été, de manière arbitraire, fantoche et illégale, condamné à sept ans d’emprisonnement ferme, avait, à deux reprises, annoncé, dans deux tribunes libres convergentes, que des cadres du parti quitteront bientôt la barque de la renaissance ou, du moins, resteront en retrait parce que étant approchés par les émissaires du gouvernement camerounais. Ces prises de positions du théoricien stratégique de la renaissance datent de 2020 quelques mois après l’option pour le boycott du double scrutin. De qui s’agissait-il ? Mais quelques mois plus tard, au moins trois cadres, dont les noms ont été évoqués supra, avaient lâché du lest et avaient démissionné des instances dirigeantes du parti. Michèle Ndoki se situe-t-elle, in extremis, sur cette trajectoire? Seul l’avenir nous le dira.

Serge Aimé Bikoi

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