Dans une lettre ouverte sur ses pages sociales, la romancière franco-camerounaise, Calixthe Beyala, s’interroge sur la visite du président français au Cameroun.
A Monsieur le Président Emmanuel Macron
Cher président, je suis heureuse que vous veniez dans mon pays d’origine : le Cameroun
Je connais votre fougue, votre intelligence et cette impertinence qui vous fait croire que vous n’êtes pas débiteur de l’histoire, qu’on se doit de tourner la page,, ou du moins, que vous n’êtes pas responsable des crimes français commis en Afrique, car vous êtes né bien après ces affreux événements.
Pour nous, cette histoire est prégnante ! Elle habite nos cœurs blessés et nos âmes meurtries ! Elle habite chaque cellule de nos corps et peuple chacune de nos respirations. Elle se décline en de centaines de milliers de camerounais morts : Elle a le visage de Um Nyobe ou de Wandjie, d’Affana et d’illustres anonymes morts parce qu’ils voulaient présider à leur destinée ! Le souvenir de Khadaffi nous hante et ces bombes jetées aveuglement, tuant des centaines de milliers d’innocents !
Vous venez défendre les intérêts de la France et c’est bien, très bien. Mais allez-vous demander pardon au peuple camerounais martyrisé ? Venez-vous pressé par le désir de reconnaître les crimes de la France et présenter des excuses à ce peuple meurtri ? Venez-vous établir des relations de respect mutuel ? Venez-vous pour adouber un homme pour la transition au Cameroun, cette transition dont on parle et qui n’est pas si lointaine ?
Sachez donc Monsieur le Président que le Cameroun n’est pas la Côte d’Ivoire ! Que le Cameroun n’est pas le Tchad ! Que le Cameroun n’est pas le Gabon !
Que venez vous donc faire par ici en ces temps troubles de notre histoire ? Garantir à certains l’accession à la magistrature suprême en contrepartie de nos richesses ? Venez vous tout simplement nous dire combien vous nous aimez ? J’aime mieux cette dernière hypothèse !
Mais je ne suis pas naïve ! Je sais déjà que vous apporterez dans vos bagages les françafricains patentés, les Achille Mbembé et bien d’autres pour vous faciliter la tâche, comme ils ont tenté de le faire lors du simulacre de Montpellier. Votre chemin sera balisé, le cœur du Cameroun en porte déjà la lourdeur !
Pour l’ensemble des camerounais vous êtes le mal venu ! Ils savent que vous ne leur voulez aucun bien, pourquoi, selon vous ?
Je vous souhaite un agréable séjour sur ma terre d’origine en espérant qu’un jour la paix réelle existera d’avec ma terre d’adoption, la France.
Bon séjour !
Calixthe Beyala