Ousmane Ndiaye est plus que déçu du Cameroun qu’il décrit parfaitement. Cette république a détourné l’idéal démocratique pour instaurer des sortes de régimes qui, en réalité, sont des dictatures. Comme tous les grands pays démocratiques, le Cameroun a créé des institutions qui, à première vue, pourraient le positionner dans la case de la perfection. Un Président, un parlement, un Senat, une Cour Constitutionnelle, une Commission électorale.
La Cour Constitutionnelle et le La Commission Électorale, ainsi qu’un tier du Sénat disposent des membres tous nommés par le Président de la République, qui est aussi le leader du RDPC. Du tout, tous ceux qui s’y retrouvent sont des membres à part entière de ce parti. Tous proviennent du directoire du RDPC. On peut donc être indépendent et être nommé par le chef d’un parti? Au Cameroun, les ministres répondent que c’est ce qui se passe aux États-unis d’Amérique.
Pour Ousmane Ndiaye, le Cameroun est l’exemple typique des fictions démocratiques en Afrique. Ces régimes là,
à la faveur de la vague d’ouverture au multipartisme, au pluralisme et aux conférences nationales des années 90, ont su se réadapter aux normes internationales dites entre guillemets démocratiques, Au Cameroun, il y a eu je crois à peu près 8 élections et en fait plus on vote plus on s’éloigne de la démocratie. Dans ce pays, on a une sorte de personnification du pouvoir par un seul homme avec les atouts d’une démocratie. Il a mis en place un système où il y a des chambres parlementaires, un Sénat, une commission nationale électorale indépendante qui n’est surtout pas indépendante. Le parlement n’est surtout pas un contre-pouvoir, ni une instance de contrôle du pouvoir. Biya est l’exemple de ce que j’appelle les fictions démocratiques en Afrique et qui sont au cœur de la remise en cause de l’idée même démocratique en Afrique, C’est une tentative de détournement de l’idéal démocratique pour instaurer des sortes de régimes qui, au fond, en réalité, sont des dictatures.
Ousmane Ndiaye, journaliste, et écrivain
Connaisseur de l’actualité politique du continent, qu’il a couverte pour de nombreux médias, dont TV5 Monde où il fut rédacteur en chef pour l’Afrique, il vient de publier L’Afrique contre la démocratie – Mythes, déni et péril (Rive neuve – 2025). Un essai nerveux et virulent, dans lequel il s’attaque à ceux qui jugent que la démocratie ne serait pas applicable dans les pays africains, car trop occidentale. Contre ces tenants du « relativisme démocratique », il répond par une critique en règle des fondements historiques de la construction de ce qu’il qualifie de « fictions démocratiques », et en fait plonger l’origine dans la période coloniale.