À 93 ans, Paul Biya se porte candidat une fois de plus, comme une ombre qui refuse de quitter le théâtre de l’Histoire, même lorsque les rideaux sont depuis longtemps tombés. Ce n’est plus un acte politique, c’est une tragédie antique qui se rejoue en boucle, dans un pays où l’horloge du temps semble s’être brisée. Ce n’est pas tant la longévité biologique qui étonne, mais l’épuisement moral qu’elle inflige à une nation en léthargie. Le Cameroun ne vit plus : il attend. Il attend quelque chose ou quelqu’un, mais rien ne vient. Le futur est en jachère, car l’on refuse d’enterrer un passé qui s’obstine à se faire présent.
À force de confondre stabilité avec immobilisme, nous avons fini par faire du pouvoir une tombe ouverte où les rêves des jeunes générations sont ensevelis, sans fleurs ni couronnes. Le pouvoir y est momifié, sacralisé, et toute velléité de renouveau devient une profanation.
Que reste-t-il de l’idée même de démocratie quand le destin d’un peuple tient dans les hésitations ou les caprices d’un homme nonagénaire ? Ce n’est plus de la résignation, c’est une abdication collective, une anesthésie lente et profonde des consciences.
Et pourtant, dans le silence feutré des bibliothèques, dans les murmures des rues, dans les soupirs des mères, l’histoire continue de s’écrire, non pas avec de l’encre, mais avec les larmes d’un peuple qui n’a plus la force de crier.