Un jeune homme avait mis le feu sur le véhicule du ministre de la justice et abîmé plusieurs autres. Il a précisé devant la barre qu’il n’avait pas été commandité. Son intention n’était pas d’attenter à la vie de M. Laurent Esso, mais de lui manifester son ras-le-bol par rapport au fonctionnement actuel de la justice au Cameroun.
Michael Abindih Minanji que sa famille qualifie de débile mental a semblé cohérent lors de son témoignage. C’était devant le Tribunal de grande instance (TGI) du Mfoundi le 5 août 2022. Incarcéré à la prison centrale de Yaoundé Kondengui depuis le 16 avril 2021, ce ressortissant de la région du Sud-Ouest a été renvoyé en jugement pour tentative de meurtre, incendie et destruction. Il lui est reproché d’avoir incendié le véhicule du Ministre Laurent et d’avoir cassé les vitres de cinq autres. Des faits que l’accusé assume tout en donnant les raisons, qui l’ont poussées à poser les actes critiqués. Il a donné sa version des faits qui lui sont reprochés en présence du représentant du ministère de la justice (Minjustice).
Selon le représentant du parquet, les faits au centre de l’actuelle procédure remontent à la journée du 1er avril 2021. Pris par une furie, Michael Abindih Minanji muni d’un seau contenant du carburant, d’un briquet, d’une massette, de deux morceaux de bois avec du tissu enroulé sur les bouts, s’était rendu au parking du ministère de la justice où il avait incendié le véhicule de M. Laurent Esso, qui y était garé.
Il avait ensuite cassé les vitres de 5 autres véhicules se trouvant à proximité et appartenant aux nommés Oumou Koulsoumi Oumarou, Monti Marcus, Didier Boukemo Jean, Ngang Andrew Nuween et Mveng Jean Patrick. Il avait été neutralisé et mis en détention provisoire à la prison centrale de Yaoundé Kondengui. Une enquête avait immédiatement été ouverte pour savoir davantage sur cette affaire qui avait crée la panique au ministère de la justice.
Au cours de ladite enquête conduite par les éléments de la Division régionale de la police judiciaire du Centre et ceux de la compagnie de gendarmerie territoriale de Yaoundé II, le mis en cause n’avait pas varié dans ses déclarations. Même devant le juge d’instruction, il avait toujours déclaré avoir agi pour se venger du ministre Laurent Esso, garant du bon fonctionnement du service public de la justice. Il avait estimé que ce dernier n’avait pas assumé ses responsabilités en raison en des déboires qu’il avait connu dans ses affaires devant les juridictions dans le but d’être rétabli dans ses droits.
Instabilité mentale
Par ailleurs, l’accusé ayant réalisé, selon ses propres termes, qu’un groupe d’environ 500 personnes conduit par le pasteur d’une église de réveil à laquelle il appartenait, le persécutait après avoir détourné les droits de propriété intellectuelle de ses créations littéraire et artistique, avait engagé des procédures judiciaires contre ces derniers. Sauf que celles-ci s’étaient enlisées, et que c’est en désespoir de cause qu’il avait, d’après lui, décidé de se faire entendre par d’autres moyens en l’occurrence en s’attaquant directement au ministre de la justice. Les recherches entreprises par la police et la gendarmerie pour retrouver le pasteur Kudi Vitalise de l’Eglise du plein Evangile indexé par Michael Abindih Minanji, avaient révélé que le prélat était décédé depuis 2016. Une perquisition effectuée au domicile du suspect au quartier Mimboman avait permis de savoir que ce dernier vivait dans une chambre abandonnée et insalubre. Les enquêteurs n’y avaient retrouvé qu’une documentation portant sur les enseignements de sa confession religieuse.
Pendant la même enquête, la veuve du pasteur Kudi Vitalise avait expliqué que son défunt époux n’avait pas pu convaincre l’accusé de se débarrasser de sa «chevelure Rasta», qui était en déphasage avec la morale de cette obédience religieuse. Pour sa part, Mme Massina Anyete Asha, la sœur aînée de Michael Abindih Minanji avait déclaré que son frère souffre d’une instabilité mentale et était suivi tant à l’Hôpital Jamot de Yaoundé qu’à l’Hôpital régional de Buéa. Dans le but de conforter ses déclarations, elle avait présenté à l’enquête préliminaire et à l’information la copie de son dossier médical. Le représentant du parquet a conclu son exposé en indiquant que dans d’autres cieux, on aurait qualifié les faits au centre du procès d’actes de terrorisme étant donné que l’accusé avait posé des actes graves pouvant conduire au pire. A la suite du parquet, le représentant du Minjustice a son employeur a subi un énorme préjudice dans cette affaire, entre autres, le bâtiment du ministère qui avait été attaqué par les flammes de l’incendie causé par le mis en cause.
Ras-le-bol contre Laurent Esso
Pour sa défense, Michael Abindih Minanji qui a choisi de témoigner sans prêter serment, n’a pas nié les charges retenues contre sa personne. Il a expliqué avoir intégré l’Eglise du plein Evangile en 2009 à son arrivée à Yaoundé. Il a dit avoir présenté à son pasteur ses œuvres artistes que ce dernier avait accaparé pour vendre aux hommes d’affaires américains pour un montant de 260 millions de dollars. Ayant perdu le contrôle de ses œuvres, l’accusé avait fait recours aux autorités policières, judicaires avant de saisir à travers plusieurs correspondances le ministre de la justice, puis la Conac et les Droit de l’Homme, en vain. L’homme a ajouté que ce sont ces différentes plaintes adressées aux autorités compétentes, qui lui avaient valu la haine du pasteur Kudi Vitalise. Il a indiqué que ce dernier et d’autres membres de l’église avait corrompu toutes le autorités policières et judiciaires dans cette affaire.
Ses adversaires avaient, poursuit-il, exigé qu’on le renvoie dans son Sud-Ouest natal pendant que la crise socio-politique battait le plein dans cette zone. «J’étais débordé, acculé. On me chassait partout où j’allais me plaindre même au ministère de la justice. C’est ce qui m’a fait croire que le chef de ce département ministériel était complice dans mes déboires judiciaires. Il protégeait ses collaborateurs», a martelé l’accusé. Il a ensuite indiqué qu’il n’avait pas l’intention d’assassiner M. Laurent Esso étant donné que ce dernier n’était pas à l’intérieur du véhicule incendié. Michael Abindih Minanji a conclu son propos en présentant au tribunal une doléance, celle de lui permettre de se rapprocher des opérateurs de téléphonie mobile MTN et Orange Cameroun pour l’obtention des listings des appels effectués à l’époque des faits. Ses appels constituent, d’après lui, des éléments irréfutables de preuves, qui confortent ses déclarations dans cette affaire.
Seulement, le tribunal a semblé faire la sourde oreille à sa demande et compte poursuivre les débats avec les réquisitions du parquet et les plaidoiries des avocats le 2 septembre 2022, date de la prochaine audience.
Source : Journal Kalara