La présidente du Cameroon people parti (CPP) Edith Kah Walla dénonce le silence « total » du gouvernement face à ce nombre de féminicide commis en l’espace de quatre mois à travers le pays. Dans sa tribune, la femme politique propose des mesures de prévention de ce phénomène qui prend de l’ampleur.
« En ce 18 avril, selon le compte Twitter @feminicides237, 18 femmes ont été assassinées au Cameroun depuis le début de cette année. Dans tout pays normal, il y aurait un tollé, des enquêtes spéciales et des commissions d’urgence seraient organisées. Au Cameroun, géré par le régime Biya, le silence est total. Pas tant qu’un communiqué pour reconnaître la vie de ces femmes !
C’est incontestable. Alors que notre pays s’enfonce dans la crise sur les plans économique, politique et social, les femmes en paient le prix ultime.
D’une part, le travail des féministes camerounaises est étonnant à observer. Ils se sont imposés, sont visibles, actifs et se font entendre dans le domaine public. Aujourd’hui, ils sont l’un des groupes importants qui façonnent l’avenir de notre pays. Ils sont le seul groupe à fournir des services minimaux aux victimes que de maigres ressources leur permettent.
D’autre part, comme pour presque toutes les politiques publiques au Cameroun, il est désespérant de constater, une fois de plus, l’absence totale de services et de sécurité à la disposition des femmes camerounaises en danger. Même après que des femmes ont été assassinées, souvent par leurs conjoints ou leurs compagnons, les forces judiciaires et de sécurité semblent incapables de rendre justice aux femmes et à leurs familles.
Au cours des trois premiers mois de 2012, environ 50 femmes ont été violées dans la ville universitaire de Soa, suggérant qu’il y avait un ou plusieurs violeurs en série opérant dans la région. Les autorités n’ont jamais mené d’enquête sérieuse et personne n’a été inculpé de ces crimes.
Le 30 janvier 2013, une délégation de notre Parti du Peuple Camerounais – CPP, est descendue sur Mimboman, à environ 10 km de la Présidence de la République du Cameroun. Au cours de ce seul mois de janvier, 15 femmes ont été tuées et leurs corps mutilés dans ce seul quartier. Pas un seul fonctionnaire du gouvernement n’avait même rendu visite aux habitants du quartier.
Alors que nous nous asseyions et parlions avec les habitants de Mimboman, l’officier sous-divisionnaire a eu vent que nous étions là et est venu interrompre notre visite. Des dizaines de citoyens l’ont hué à son arrivée, soulignant que si son bureau n’était qu’à quelques centaines de mètres, il n’avait jamais pris la peine de venir voir ce qui se passait à Mimboman, malgré les multiples meurtres, jusqu’à ce qu’il entende qu’un chef de l’opposition était sur le champ.
Après cette visite plutôt tumultueuse à Mimboman, nous avons fait une déclaration en tant que CPP, dont les éléments clés restent malheureusement vrais, 10 ans plus tard. Notamment :
- La lenteur et le manque de sérieux des autorités gouvernementales qui attendent des semaines, parfois des mois avant d’élaborer un plan d’action clair alors que les crimes continuent.
- L’abandon des citoyens par l’État dans des conditions où même les besoins les plus élémentaires ne sont pas satisfaits, notamment une communication publique claire, des conditions de sécurité élémentaires telles que l’éclairage public, l’aménagement des routes, l’accès rapide aux services de police, etc.
- L’attitude condescendante et méprisante de tous les hauts responsables publics, y compris le Président de la République, qui perpétuent des cérémonies et des fêtes (dont beaucoup sont complètement frivoles) alors que des citoyens sont assassinés, sans adresser un mot aux victimes et à leurs familles, ni aux Des Camerounais traumatisés par la montée de l’insécurité.
- L’absence totale d’accompagnement psycho-social des victimes, des quartiers traumatisés, même pas pour les survivants de viols ou de tentatives de meurtre.
Aujourd’hui, alors que nous lisons des récits quotidiens de fémicides, nous sommes reconnaissants envers le réseau de féministes qui prononcent les noms des victimes et appellent à l’action. Nous sommes encore plus profondément consternés par le manque d’action du gouvernement, ce qui ne signifie qu’une chose.
En tant que Camerounais, tous nos problèmes sont liés et trouvent leur origine dans un État dysfonctionnel, corrompu et violent. Pour trouver des solutions à nos problèmes, nous devons nous attaquer à leur cause profonde qui commence par la fin du régime actuel et l’entrée dans une transition politique.
Il est temps que chacun de nous s’engage dans l’action pour réaliser la transition politique.
Même si nous nous engageons pour la solution ultime à un large éventail de problèmes du Cameroun, nous devons continuer à exiger du régime de Biya tant qu’il est au pouvoir et tant que nos impôts paient leurs salaires.
Il y a des mesures immédiates à prendre par le Directeur Général de la Sûreté Nationale, le Ministre de la Justice, le Premier Ministre et le Président de la République :
1- MISE SUR LA PRÉVENTION
Développer une hotline permettant aux femmes qui se sentent en danger d’appeler et d’obtenir une assistance immédiate, en particulier lorsqu’il s’agit d’un conjoint ou d’un compagnon car c’est par lui que les femmes sont le plus susceptibles de se faire tuer.
Déployer au moins un centre de lutte contre les violences faites aux femmes dans chacune de nos 360 communes. Les grandes villes devraient en avoir plusieurs. Ces centres devraient fournir des conseils, une protection, une aide juridique, un soutien médical, des services de santé mentale et plus encore. Ces départements existent déjà dans tout le pays. Trouver des espaces gouvernementaux inutilisés, réunir des fonctionnaires dotés de ces compétences, leur fournir un budget pour fonctionner et aider à sauver les femmes.
2- ASSURER LES POURSUITES
Former TOUS les policiers sur la violence contre les femmes et mettre en place des unités spéciales pour faire face à ce crime. Les unités spéciales devraient accélérer et améliorer les enquêtes tout en apportant un soutien aux victimes et à leurs familles. Le meurtre de femmes doit être puni.
Mettre en place des services spéciaux dans les tribunaux pour traiter et accélérer les crimes de violence contre les femmes. Partout dans le monde, les techniques et les systèmes de services juridiques aux victimes de violence à l’égard des femmes sont connus. Apprenez des autres pays et avancez rapidement.
3- CHANGER LA CULTURE
Il est aujourd’hui socialement acceptable au Cameroun de battre et de violer une femme. C’est le travail du gouvernement de le rendre socialement inacceptable avec de graves conséquences négatives. Le gouvernement doit mener des campagnes de communication depuis les écoles maternelles jusqu’à l’enseignement supérieur et dans tous les secteurs de la société, pour communiquer que la VCF n’est pas camerounaise et sera poursuivie.
En tant que premier employeur au Cameroun, le gouvernement doit mettre en place des politiques et des procédures strictes pour lutter contre la violence à l’égard des femmes. Cela concerne les pratiques d’embauche et de promotion, le harcèlement sexuel sur le lieu de travail et les règles applicables aux sous-traitants gouvernementaux.
Ce ne sont là que quelques idées clés. Les féministes au Cameroun et les camerounais en général, en ont plus. Il est possible d’arrêter le massacre des femmes et d’endiguer la violence contre les femmes au Cameroun.
Fais-le c’est tout. »
Kah Walla
Président du CPP