Champion d’Afrique en titre, le Cameroun ne dépassera pas les phases de groupe de la Coupe d’Afrique des moins de 17 ans (CAN U17). Dimanche soir, les Lionceaux ont été éliminés de la compétition après leur défaite contre le Burkina Faso (2-1). Dans une tribune publiée ce lundi, le commentateur sportif Martin Camus Mimb fait l’autopsie du football jeune au Cameroun.
« Ce que j’ai toujours regretté et depuis des années, c’est que les analyses des personnes mêmes les « plus averties », se limitent sur des individus qu’il faut crucifier ou célébrer. À peine les U17 sont éliminés de la CAN, le Président de la fédération est la bête à abattre, le Coach doit être guillotiné, les joueurs sont trop vieux et on proclame même que les meilleurs ont été laissés au quartier. Chacun fait subitement comme si tout commençait à l’instant où survient l’élimination. Mais avant de poursuivre cette analyse, j’ai une question : Samuel Eto’o, Roger Milla, Patrick MBOMA, Joseph Antoine Bell, Thomas Nkono, Marc Vivien Foe, Rigobert SONG,Geremi Njitap, Raymond Kalla et autres ont gagné quelle compétition jeune à l’échelle du continent ? Pourtant il s’agit là de sacrées générations de footballeurs.
Tout se passe donc dans ces analyses biaisées comme si le Cameroun a toujours gagné les compétitions jeunes. La dernière fois que le Cameroun a gagné la CAN U20 c’était en 1995. En 14 éditions de la Can U17, le Cameroun a gagné deux fois en 2003 et 2019. Et depuis 2011, on attend toujours de voir le Cameroun inscrire son nom au tableau de la Can U23. En vérité, le Cameroun n’a eu que très souvent des éclairs à l’échelle africaine en compétitions jeunes, mais jamais la régularité. Qu’est-ce qui fait donc problème ?
Pour comprendre les raisons, il faut se demander comment le Cameroun n’avait jamais dominé le football jeune en Afrique, mais parvenait à collectionner des footballeurs de génie. Il y avait d’abord avant les années 90, les jeux scolaires appelés OSSUC, qui constituaient la pépinière. La Fédération des sports scolaires et des sports universitaires, depuis leur mise en place ont produit combien de sportifs et surtout de footballeurs de haut niveau? Parce qu’elles sont déconnectées de mouvement sportif global et les énormes budgets affectés servent à tout sauf à l’amélioration des infrastructures. On autorise les établissements scolaires sans une simple cour de récréation et tous les jeunes qui veulent jouer au foot, quittent ces écoles.
Puis arrive la génération de 2000, celle qui a presque tout gagné. Elle sortait de deux moules qui avaient une solide organisation. Ecole De Football Brasseries Du Cameroun d’abord et KADJI SPORT Academy KSA, participaient à de grands tournois à l’étranger pour préparer ces enfants à la haute compétition. Le Tournoi de Montaigu préparait de vrais champions. Le business étant florissant, les « écoles de football » sont sorties de partout. Et la difficulté de réguler ce secteur est que le Ministère des sports, l’administration territoriale peuvent délivrer des autorisations de fonctionnement sans avoir besoin de la Fecafoot. Les ambassades ont bloqué les visas pour les compétitions à l’étranger parceque des aventuriers avaient trouvé le prétexte pour embarquer des clandestins. Conséquence, les grands clubs viennent recruter des enfants au berceau, avec des parents qui sont devenus des véritables agents de commercialisation de leurs enfants. Ils n’écoutent personne en dehors des agents qui leur disent qu’ils ont des Messi et Ronaldo chez eux.
Si je vous dit que chacun des jeunes U17 que vous avez vu a déjà son agent, et des precontrats signés pour partir aussitôt la compétition terminée vous allez croire? Et dernière chose et non des moindres, nous les parents qui voulons tuer les coaches et autres depuis hier, sommes les mêmes qui charcutons les âges de nos enfants. Le problème de la gestion de l’état civil qui n’est pas propre au football, est donc un autre goulot d’étranglement. Tout cela réuni, sans diagnostic profond, ne va nous donner que des générations spontanées qui gagneront par à coups, et disparaîtront dans la foulée. Trouvez vous logique que trois ans après le sâcre des U17 , pas un seul joueur de cette cuvée ne soit un prétendant sérieux pour une place de titulaire dans la sélection senior ou même U23 à deux ou trois exceptions près ? Non. C’est pourquoi l’analyse dans les résultats du football jeune doit exclure l’urgence des résultats et cultiver la patience. Parce que la STABILITÉ est l’autre nom du succès. Pour cela aussi, il faudrait que ceux qui ont échoué sur le banc avec ces enfants, fassent une autocritique sans complaisance. Que Dieu veille sur tous et sur chacun. »
Martin Camus MIM