Auteure prolifique, Calixthe Beyala est au centre de l’émancipation des consciences dans son pays natal. Elle a été parmi les premières personnalités publiques à dénoncer l’enlèvement, puis l’assassinat grossier de l’un des journalistes les plus écoutés du Cameroun. Martinez Zogo dénonçait dans son émission « Embouteillages », les prévaricateurs de la République.

Il avait réussi à obtenir des documents extrêmement compromettants sur l’octroi de la majorité des marchés publique de la Présidence de la République à un seul homme d’affaires. Jean-Pierre Amougou Belinga, personnalité controversée, avait tissé autour de lui un réseau d’hommes politiques, de financiers, militaires, parmi les plus puissants.

Il ne cachait aucunement ses liens d’avec le ministre des finances. Louis-Paul Motazé, présenté comme un neveu du Président, ne s’est jamais caché pour soutenir de manière publique l’homme d’affaires. Il est même allé au bâton pour lui lors d’une séance au parlement alors que les députés voulaient savoir plus sur les subventions aux médias presqu’exclusivement attribuées à Jean-Pierre Amougou Belinga.

Avec les enquêtes qui se rapprochent de ces hommes puissants, le peuple camerounais espère que ce sera le bouton qui actionnera l’impunité.

Calixthe Beyala même dans la difficulté, trouve des proses pour expliquer ces douleurs.

Telle qu’elle explique si bien, le peuple se doutait « que c’était des politiques, les hommes puissants, qui commettaient ces meurtres. Mais jamais on avait réussi à attraper quelqu’un. On n’avait que des soupçons. On savait, mais c’est la première fois qu’on a mis la main sur ces hommes là. Et on veut que la totalité de ces puissants qui ont assassiné soient arrêtés ».

Verbatim…

Jamais on a vu ça on a vu. On n’a jamais connu un meurtre aussi sordide, aussi barbare; ce corps à corps vis-à-vis d’un homme démuni. Ce qui montre le courage de Martinez Zogo, c’est qu’il savait qu’il était suivi. Il est même parti à la DGSN, qui est la Direction Générale de la Sûreté Nationale pour demander de l’aide, qu’on lui donne des gardes du corps. On ne lui a pas donné de garde du corps et c’est comme ça qu’il a été filé pendant des jours, pendant une semaine avant d’être enlevé.

C’est un système qui perdure depuis trop longtemps c’est-à-dire des assassinats faits par des hommes politiques. Parce que ce sont des hommes puissants, on n’a jamais pu ni arrêter, ni savoir qui a fait quoi.

Nous savions tous que c’était des politiques et autres, les hommes puissants, qui commettaient ces meurtres. Mais jamais on avait réussi à attraper quelqu’un. On n’avait que des soupçons. On savait, mais c’est la première fois qu’on a mis la main sur ces hommes là. Et on veut que la totalité de ces puissants qui ont assassiné soient arrêtés.

On a voulu peut-être dire aux camerounais ne parlez plus jamais, ne dis plus jamais rien contre le régime en place, contre la barbarie en place, contre la corruption, le pillage des caisses de l’État, toutes ces choses qui déshumanise le peuple camerounais.
Ce qui interpelle le plus dans cette histoire c’est que nous avons l’impression qu’au Cameroun on doit plus avoir peur de nos militaires, de nos policiers, de nos gendarmes, censés protéger la population que des grands bandits. Et c’est terrifiant qu’un peuple ait cette idée-là, qu’il risque plus sa vie en rencontrant un policier qu’en rencontrant un bandit de grand chemin.

On ne reculera pas. Le peuple camerounais demandera justice parce que nous rêvons de notre pays. Nous rêvons d’une autre République. Nous rêvons d’égalité. Nous rêvons de bien-être, d’humanisme, de l’amour entre les camerounais. Pas de cette haine, pas de cette misère dans lequel ce régime a plongé ce peuple depuis quatre décennies. Les choses vont changer, soit par forceps, soit par elles-mêmes.

Il n’y a rien de ce monde qui est qui est éternel et stable. Vous savez, c’est ça même le principe de la vie. C’est que tout finit par finir. Tout ce qui nait, tout ce que le soleil voit finit par mourir. Et même la misère finira par se fatiguer. Et même l’oppression finira par s’épuiser et finira par mourir.

Calixthe Beyala
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