Depuis plusieurs semaines, Brenda Biya, 28 ans, fait l’objet d’un flot continu de commentaires sur les réseaux sociaux. Fille du président camerounais Paul Biya, au pouvoir depuis plus de quarante ans, elle s’est forgé une image d’influenceuse provocatrice, multipliant vidéos et publications sur TikTok et Instagram. Sa notoriété ne tient pas seulement à son statut d’enfant de chef d’État : son style flamboyant, ses prises de position inattendues et ses frasques alimentent sans cesse le débat public au Cameroun et dans la diaspora.
Née en 1997 au palais de l’Unité à Yaoundé, résidence officielle du chef de l’État, Brenda Biya a grandi dans un univers de luxe, aux côtés de son frère Paul Junior. Après l’école primaire des Coccinelles, créée pour les enfants du personnel de la présidence, elle poursuit sa scolarité en Suisse au Collège du Léman, avant de s’installer à Los Angeles pour ses études. Très vite, elle expose sur les réseaux sociaux une vie mondaine faite de soirées, de voyages et d’amitiés dans des cercles fortunés. Ses parents lui offrent une maison à Beverly Hills. Dès 2017, elle se fait connaître du grand public par un premier coup d’éclat : elle accuse un chauffeur de taxi de racisme après une course facturée 400 dollars entre Beverly Hills et l’université de Californie à Irvine. Cet épisode suscite déjà de vives critiques au Cameroun, où beaucoup y voient le symbole d’un train de vie déconnecté de la réalité du pays.
En 2019, Brenda Biya rentre au Cameroun. Elle révèle alors souffrir de la maladie de Basedow, un trouble de la thyroïde qui affecterait son humeur et son apparence. Loin de se retirer de la scène publique, elle poursuit au contraire ses publications provocantes : tenues extravagantes, coiffures colorées, piercings et mises en scène luxueuses. En 2020, elle lance à Yaoundé sa propre marque de perruques et d’extensions capillaires, Bree Culture Inc Shopping, et diffuse des morceaux de rap sur SoundCloud et YouTube. Cette même année, elle se retrouve au cœur d’une polémique à Paris après une manifestation de militants de la diaspora camerounaise dénonçant son mode de vie supposément financé par l’argent public.
Sa vie privée suscite également de nombreuses réactions. En juin 2024, elle publie la photo d’un baiser avec sa petite amie, le mannequin brésilien Layyons Valença, assumant publiquement son homosexualité dans un pays où celle-ci est criminalisée. Cette révélation choque une partie de l’opinion et ravive le débat sur l’égalité des droits. Des voix dénoncent un « deux poids, deux mesures », alors que des personnes ordinaires sont poursuivies ou emprisonnées pour leur orientation sexuelle.
Au fil du temps, Brenda Biya devient un symbole d’excès et de provocation. Sur TikTok, elle revendique 482 000 abonnés et enchaîne les vidéos polémiques. Le 10 septembre 2025, elle publie une séquence la montrant jetant des liasses de billets sur la caméra. Neuf jours plus tard, elle franchit une étape plus inattendue : elle appelle les Camerounais à ne pas voter pour son père à la présidentielle prévue le 12 octobre. Elle accuse sa famille de maltraitance et annonce vouloir couper les ponts. Quelques heures après le tollé, elle se rétracte, affirmant « ne rien connaître à la politique » et louant finalement les qualités de son père.
Cette volte-face traduit l’ambivalence de son image. D’un côté, certains la voient comme une jeune femme cherchant à s’émanciper d’un environnement politique étouffant ; de l’autre, beaucoup dénoncent une provocation calculée, un énième épisode d’une vie dorée sans rapport avec les réalités quotidiennes des Camerounais. La jeune femme elle-même semble jouer de cette tension. Dans une vidéo TikTok publiée mi-septembre, elle déclare : « Je vous énerverai jusqu’à ce que je meure. C’est ce que je veux. »
Le contraste est d’autant plus fort que le pays traverse des difficultés économiques et sociales importantes. La majorité de la population vit sous le seuil de pauvreté, tandis que la famille présidentielle incarne le pouvoir en place depuis plusieurs décennies. Brenda Biya, en affichant jets privés, sacs de luxe et soirées mondaines, donne l’image d’une élite éloignée des préoccupations populaires. Ses déclarations sur l’élection présidentielle touchent à un sujet sensible : l’avenir du pays et la légitimité d’un président de 92 ans candidat à un nouveau mandat.
Malgré les polémiques, Brenda Biya poursuit ses activités commerciales et médiatiques. Sa marque de produits capillaires est toujours en activité et elle entretient une communauté fidèle sur les réseaux sociaux. Certains y voient un contre-modèle pour la jeunesse, d’autres un révélateur des fractures sociales et politiques du Cameroun. Sa vie publique met en lumière l’écart entre l’image officielle du régime et la réalité des privilèges dont bénéficie son entourage.
L’affaire de septembre 2025 marque sans doute un tournant. Pour la première fois, la fille du président s’est attaquée publiquement au pouvoir paternel, avant de faire marche arrière. Ce geste, même corrigé, alimente l’impression d’une fracture au sommet de l’État et soulève des questions sur la succession politique. Il reflète aussi l’influence croissante des réseaux sociaux dans un pays où l’expression publique est souvent contrôlée.
Aujourd’hui, Brenda Biya demeure un personnage clivant. Certains la considèrent comme une victime d’un système qui l’étouffe, d’autres comme une provocatrice privilégiée. Quoi qu’il en soit, ses prises de position et son style de vie font d’elle une figure incontournable du paysage médiatique camerounais. Son parcours illustre la manière dont l’héritage politique, les privilèges et la culture numérique peuvent se mêler pour façonner l’image publique d’une personnalité.