De nombreuses villes africaines peinent encore à gérer correctement les ordures et les déchets. Cela pose de graves risques pour la santé publique. Les déchets attirent des vecteurs de maladies comme les moustiques et les mouches et peuvent entraîner des épidémies de choléra et de paludisme.

Le déversement de déchets organiques, comme les restes alimentaires, dans des décharges non contrôlées provoque également des émissions de méthane. Ce puissant gaz à effet de serre accélère le changement climatique. Mais il peut aussi être utile : on peut le transformer en compost riche en nutriments ou en biogaz, une énergie renouvelable. Ce procédé est appelé « waste-to-energy » (déchets vers énergie) et il pourrait aussi contribuer à réduire les pénuries d’électricité en Afrique.

Cela se produit malgré les investissements dans la collecte et l’enfouissement des déchets. Mon pays d’origine, le Cameroun, dépense environ 6,6 millions de dollars américains chaque année pour la gestion des déchets solides municipaux. Pourtant, un service fiable reste difficile à assurer.

Hygiène et Salubrité du Cameroun est le principal prestataire privé du pays. Il assure la majeure partie de la collecte des déchets dans les dix régions. Mais seulement environ 60 % des déchets sont effectivement collectés, et seuls 43 % des déchets des ménages sont ramassés directement devant les domiciles. Le reste provient des bacs collectifs vidés par l’entreprise. D’autres n’ont d’autre choix que de jeter les ordures à l’air libre.

La plupart des déchets municipaux au Cameroun finissent dans des décharges et sont brûlés. Moins de 4 % sont recyclés, principalement par des récupérateurs informels.

Je suis scientifique en durabilité et j’étudie comment transformer les déchets en énergie. J’ai mené un projet de recherche en collaboration avec Hygiène et Salubrité du Cameroun pour observer les pratiques locales de gestion des déchets. J’ai interviewé des dirigeants de l’entreprise, des ONG et des représentants de la société civile, un maire local et des responsables gouvernementaux.

Je voulais découvrir ce qui pourrait encourager la mise en place de projets de valorisation énergétique des déchets, et ce qui l’empêche aujourd’hui.

Ma recherche a révélé que le système actuel et les acteurs influents impliqués n’ont pas investi de manière stratégique dans des projets de conversion des déchets en énergie. Ils privilégient plutôt des solutions à court terme, comme la construction de nouvelles décharges ou l’organisation de campagnes de nettoyage ponctuelles. Ces mesures sont rapides et faciles à mettre en œuvre, très visibles pour les électeurs lassés d’une gestion déficiente des déchets, et coûtent moins cher que des systèmes de production d’énergie à partir des déchets.

Cependant, cela signifie que le Cameroun manque l’opportunité de produire du biogaz et du compost à partir des déchets. Cela réduirait la pollution, améliorerait la santé publique et atténuerait les pénuries d’électricité. Cela accélérerait aussi la transition du Cameroun vers une économie circulaire, où les déchets sont recyclés, compostés ou transformés en énergie, gardant les ressources en circulation le plus longtemps possible.

Les problèmes actuels

Le Cameroun dispose d’une Stratégie nationale de gestion des déchets depuis 2007. Elle est coordonnée par la Commission interministérielle de gestion des déchets municipaux, qui réunit agences gouvernementales, autorités locales, entreprises privées, ONG et partenaires internationaux. Cette stratégie visait à réduire de moitié la quantité de déchets en décharge d’ici 2035 et à faire évoluer le pays vers une économie circulaire.

Le manque de ressources financières conduit souvent les municipalités à privilégier des méthodes d’élimination peu coûteuses, comme l’enfouissement.

Mettre en place des systèmes de valorisation énergétique des déchets demande un investissement initial élevé. Mes recherches précédentes montrent aussi que les responsables nationaux et locaux manquent d’engagement et de volonté d’adopter des solutions innovantes aux problèmes de déchets, ce qui freine l’investissement.

Au Cameroun, le soutien politique et réglementaire à la valorisation énergétique des déchets est faible. Il n’existe pas d’incitations fiscales pour les entreprises, et les normes d’exploitation ainsi que les réglementations gouvernementales sont floues. Obtenir un permis pour exploiter un système de production d’énergie à partir des déchets prend beaucoup de temps en raison de procédures administratives lourdes, ce qui décourage les investisseurs locaux et internationaux. Cette lacune réglementaire — absence ou insuffisance de règles et d’incitations claires — maintient l’enfouissement comme méthode dominante.

Un autre problème est le manque de coordination entre les ministères et les autres acteurs. Les entreprises privées suivent simplement les clauses de leurs contrats et les ONG ainsi que la société civile sont largement exclues des décisions.

Ce qui doit se passer maintenant

Les différents acteurs de la gestion des déchets, en particulier les gouvernements locaux et national et les entreprises privées, doivent adopter d’urgence une approche d’économie circulaire.

Mesures à court terme possibles :

  • Taxes ou interdictions d’enfouissement pour décourager le dépôt sauvage
  • Subventions publiques pour les initiatives de recyclage
  • Campagnes de sensibilisation pour éduquer les citoyens sur la réduction des déchets, le recyclage et les solutions de valorisation énergétique
  • Intégration des concepts d’économie circulaire dans les programmes scolaires et communautaires
  • Création de stations de transfert des déchets près des lieux de production pour trier efficacement, réduire les coûts de transport et diminuer les volumes mis en décharge
  • Trouver des moyens de faire collaborer tous les acteurs du secteur sur les plans et décisions
  • Lancer des projets pilotes impliquant tous les différents acteurs.

À plus long terme, le gouvernement doit :

  • Réformer les politiques pour intégrer l’économie circulaire et la gestion durable des déchets dans les lois et réglementations nationales
  • Améliorer les réseaux routiers et de transport pour rendre la collecte et le transport des déchets plus efficaces
  • Investir dans des technologies de valorisation énergétique des déchets abordables et adaptées localement
  • Promouvoir les partenariats public-privé dans le secteur de la gestion des déchets
  • Développer l’expertise locale par l’éducation, la formation professionnelle et des pôles d’innovation
  • Créer des réglementations, mécanismes financiers et incitations favorables pour attirer les investissements privés dans des solutions durables de gestion des déchets.

Cette étude souligne la nécessité de passer de solutions à court terme, centrées sur l’enfouissement, à des pratiques d’économie circulaire. Cela permettrait de transformer les déchets urbains en ressources précieuses et de stimuler la durabilité environnementale et le développement durable.

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